Comment Ynsect participe-t-elle à démocratiser l’insecte ?

13/09/2023

Parole d’un expert. Par Anais MAURY

 

Si on vous avait dit il y a 10 ans que l’insecte allait un jour se retrouver dans votre assiette, l’auriez-vous cru ? A travers le monde, plus de 2 milliards de personnes dans le monde consomment déjà quotidiennement des insectes. C’est le cas dans des pays comme la Chine, la Thaïlande ou encore des pays d’Afrique et d’Amérique du Sud. En France et en Europe, alors que le marché était quasiment inexistant, les insectes gagnent peu à peu du terrain. Criquets, scarabées et fourmis s’invitent à la table des restaurants engagés et dans les recettes de la jeune génération de cuisiniers. Toutefois, pour la majorité des Français, les insectes sont encore considérés comme culturellement non comestibles, porteurs de dégoût ou de peur. Pour dépasser cette première impression, les entreprises spécialisées dans la production d’insectes redoublent d’efforts pour informer sur les bienfaits nutritionnels et écologiques de l’insecte. Faire évoluer l’opinion publique est un défi de taille, mais les acteurs sont bien engagés à le relever. Ynsect, en particulier, participe à la démocratisation de l’insecte dans la société. Par de nombreuses actions de sensibilisation, de la pédagogie et une stratégie de communication adaptée, elle a réussi à faire accepter peu à peu l’insecte dans l’esprit des français. Dans cet article, je vous explique comment.

 

Constituer un réseau d’experts pour faire évoluer la loi

En Europe, l’introduction des insectes dans les régimes alimentaires est plus lente qu’ailleurs dans le monde. Un phénomène normal puisque les insectes ont disparu de notre alimentation il y a maintenant plusieurs siècles. Pourtant durant l’Antiquité, les Romains et les Grecs mangeaient des cigales, sauterelles et des abeilles, considérées comme des mets d’exception. Au Moyen-âge, les insectes étaient également consommés durant les banquets, notamment le scarabée Molitor. Aujourd’hui, cette méconnaissance de l’insecte comme aliment représente un vrai blocage pour de nombreux européens. Mais au-delà de cette différence culturelle, c’est la réglementation européenne qui freine avant tout la consommation d’insectes et ce malgré leur qualité nutritionnelle et les faibles incidences environnementales de leur élevage qui ont régulièrement été soulignées par des études scientifiques. Plus conservateur, les premiers ingrédients à base d’insectes n’ont été autorisés dans l’Union Européenne que fin 2021.

Depuis sa création il y a douze ans, Ynsect se bat pour faire évoluer la législation encadrant les produits à base d’insectes. En 2011, lorsque les 4 cofondateurs ont  lancé l’entreprise avec le pari fou d’élever et transformer des insectes en ingrédients pour la nutrition des animaux, des plantes, et des hommes, la réglementation était confuse. Celle-ci n’autorisait la production d’ingrédients qu’à destination des animaux de compagnie. Bien résolue à défendre les droits de l’insecte, Ynsect a contribué à créer en 2012 l’association IPIFF (International Platform of Insect of Food and Feed) en partenariat avec d’autres acteurs du secteur afin de faire entendre sa voix auprès des décideurs politiques européens. Portée par ses 76 membres, l’IPIFF promeut l’utilisation plus large des insectes comme source de protéines pour l’alimentation humaine et animale, et travaille sur une adaptation de la législation sur les ingrédients à base d’insectes. Grâce aux nombreuses actions de sensibilisation menées par l’IPIFF auprès des acteurs publics et grâce à un dialogue continu avec la Commission européenne et le Parlement européen, le débat sur la législation s’est ouvert et le secteur a réussi à faire accepter l’intégration des ingrédients à base d’insecte dans la nutrition des poissons d’élevage (2017), des porcs et volailles (2021) et des humains (progressivement depuis 2021).

 

Ces avancées sont le fruit d’efforts communs menés par l’ensemble du secteur. Aujourd’hui, cette autorisation de commercialisation dans l’alimentation humaine offre de nouvelles perspectives pour le secteur de l’insecte et ouvre la voie à de nouveaux marchés. Mais la bataille n’est pas finie ! Il reste encore à convaincre les consommateurs.

 

Sensibiliser et éduquer le grand public sur le rôle des insectes 

Après la loi, le second enjeu auquel nous faisons face est d’amener les consommateurs à surmonter la barrière mentale que représentent les aliments à base de protéine d’insectes. En 2022, nous avons réalisé un sondage avec OnePoll sur des participants britanniques, américains, néerlandais et français, afin de tester leur niveau d’acceptation à l’insecte. Les résultats ont révélé que les consommateurs sont en grande majorité ouverts à leur consommation. 96% des participants ayant déjà goûté disent qu’ils ont aimé ou qu’ils réitéreraient l’expérience, et 75% en moyenne souhaiteraient en voir dans plus de produits alimentaires. L’étude révèle cependant qu’une partie de la population, notamment plus âgée et féminine, reste réfractaire à la consommation d’insectes.

Pour gagner les cœurs des plus défiants, Ynsect a déployé ses forces en interne pour construire une stratégie de communication et de sensibilisation robuste vouée à promouvoir son image et celle de l’insecte auprès du grand public. A cet effet, elle a mobilisé toutes ses équipes autour de cet objectif commun.

La première chose que nous avons faite a été de nous adresser au grand public. C’est une chose assez peu commune pour entreprise B2B, qui doit avant tout séduire ses business partners et ses clients ! Mais l’insecte n’est pas un produit comme un autre, il a encore tout à prouver. Par ailleurs, notre positionnement de leader nous oblige à mener des actions de pédagogie et de sensibilisation, afin de faire connaître les propriétés exceptionnelles des insectes. Comment ? D’abord, en construisant une ligne éditoriale accessible et abordable pour tous, et en participant à des évènements grands publics tels que les journées du Patrimoine, Floriade (aux Pays-Bas) ou encore le Salon de l’Agriculture où depuis deux ans, nous avons un stand informatif et un stand à destination des enfants. Sur le stand, les visiteurs ont la possibilité de découvrir, de toucher et goûter pour la première fois la protéine d’insecte. Cette première approche est essentielle pour dissiper la peur que ressentent encore beaucoup de consommateurs. Les enfants sont une cible privilégiée pour aborder ces grands changements : ils ont peu ou pas d’appréhension, sont ouverts et curieux, et de plus en plus sensibilisés aux enjeux environnementaux. Nous sommes convaincus que c’est par eux que l’insecte arrivera dans nos assiettes. 30 ans en arrière, lorsque la ceinture de sécurité est devenue obligatoire dans les voitures, le changement s’est d’abord opéré grâce à une opération de sensibilisation dans les écoles “la première chose à faire lorsque tu rentres de l’école, c’est de mettre ta ceinture et rappeler à tes parents qu’ils doivent le faire également”. C’est un peu le même concept ici.

Parallèlement, nous menons une politique de transparence et faisons rentrer politiques, partenaires et journalistes dans nos fermes verticales afin de démystifier ce que nous faisons, et pour montrer les bénéfices de notre action pour la santé des femmes, des hommes, des animaux et de la planète.

En interne, des initiatives ont également été prises pour sensibiliser et éduquer les salariés. Nous publions régulièrement des articles d’experts afin de permettre à chacun de comprendre les différents corps de métiers et expertises présentes au sein de l’entreprise, et de s’informer sur nos pratiques et modes de production.

 

Chez Ynsect, nous tenons à ce que tout employé ait une bonne connaissance de notre scarabée, de son cycle de vie, de sa nutrition, son milieu de vie, son rôle dans la biodiversité… Dans le but de bâtir une culture commune autour de l’insecte, nous avons créé Chrysalis, notre école des métiers. Tout nouvel arrivant chez Ynsect peut bénéficier de ce parcours de formation et se former à un métier qu’il a choisi parmi les 30 proposés. L’école Chrysalis nous permet non seulement de bâtir une culture commune, mais aussi d’assurer la montée en compétence de nos salariés. A cet effet, nous mettons également à disposition de nombreuses ressources en interne pour permettre à chacun de se documenter.

Grâce à une communication positive et transparente, aux nombreuses actions de sensibilisation, les formations, et interventions que nous avons données dans des écoles et entreprises, et grâce au dialogue constant que nous avons eu avec le public, la presse et les acteurs publics, nous parvenons peu à peu à atteindre notre objectif. Nous voyons les mentalités évoluer au cours des dernières années, et l’insecte peu à peu se démocratiser. Les consommateurs n’ont, pour la grande majorité, pas encore passé le cap, faute aussi de ne pas pouvoir trouver suffisamment de produits sur le marché, mais la barrière mentale se dissipe peu à peu. Il faut plusieurs générations pour changer une habitude alimentaire, mais dans un monde aussi globalisé, celles-ci évoluent de plus en plus vite. Il y a 20 ans, personne n’imaginait manger de poisson cru et pourtant, les sushis sont aujourd’hui l’un des plats les plus consommés dans le monde. La clé réside dans l’intégration de nos produits dans les cultures alimentaires locales. La patience et nos efforts communs portent leurs fruits, ce qui est rassurant pour l’avenir de l’insecte, mais aussi plus largement pour l’environnement.