A quoi ressemble une ferme verticale d’insectes ?

30/03/2023

Parole d’un expert.

Un grand bloc blanc au milieu d’un espace aménagé. A première vue, Ynfarm ressemble à n’importe quel autre site agro industriel. Pourtant, à l’intérieur, l’installation diffère en tout point de celle d’une usine traditionnelle. Ce qu’on y fait aussi. Dans cet article, je vous fais découvrir l’intérieur d’une ferme pas comme les autres.

Un élevage optimisé par sa structure verticale

Ynfarm est la plus grande ferme à insectes d’Europe. D’une superficie de 45 000 m², elle aura à terme une capacité de production d’environ 200 000 tonnes d’ingrédients par an. L’immense “fermillière” permet l’élevage et la transformation à grande échelle de larves de Molitors, ces petits scarabées devenus le cœur de notre activité. Les insectes y grandissent, se reproduisent, sont triés puis récoltés et conservés dans l’unité de stockage de la ferme. Toutes les étapes de production se font sur place et dans un circuit court optimisé.

Ynfarm est l’aboutissement de plusieurs années de recherche et d’innovation. Experts en entomologie, ingénieurs en agroalimentaire et spécialistes des technologies de production automatisées ont travaillé de concert pour développer ce concept innovant. Leur objectif était de développer un système efficace permettant d’optimiser la culture des insectes et la rendre la plus autonome possible. Ils ont mis au point des techniques de culture verticale permettant de favoriser le développement des colonies d’insectes dans un espace réduit et optimisé.

Chaque partie de l’installation a été désignée (conçue) pour optimiser la reproduction et la transformation des Molitors. Les insectes évoluent dans des grands bacs empilés et sont regroupés par catégorie d’âge. Ces bacs sont entreposés dans des unités réservées chacune à une étape de vie. Les insectes adultes sont déposés dans les bacs destinés à la reproduction et pondent leurs œufs au travers d’une grille. Ce dispositif a pour avantage de protéger les œufs de leurs géniteurs et nous permet de les récolter plus facilement. Une fois les œufs collectés, nous les isolons dans un bac destiné à l’élevage. Le coléoptère passera environ 8 semaines dans notre unité de reproduction, où il pondra en moyenne 250 larves. Après la ponte, lors de leur croissance, nous nettoyons plusieurs fois les larves et les trions pour séparer les gros des petits. La majeure partie passera par un blancheur pour être transformée, une petite partie deviendra des scarabées adultes pour renouveler l’élevage. La farine d’insectes est alors prête à être livrée.

Ce circuit opère comme une boucle fermée et continue. La production est quasiment autosuffisante dans le sens où nous n’avons que très rarement besoin d’introduire de nouveaux insectes. En tout, 95% de nos larves sont transformées en ingrédients, mais 5% sont conservées pour la reproduction, ce qui réduit notre dépendance vis-à-vis des sources extérieures de stock de démarrage.

Un mode de production paramétré 

Dans ce parcours bien tracé, rien n’est fait par hasard. L’espace, le temps, les ressources, la matière première pour nourrir les insectes, tout est calculé à la virgule près. Plusieurs recherches ont été menées par nos équipes R&D afin d’établir un calendrier pour l’élevage. Grâce aux résultats, nous avons pu définir la fréquence et la quantité de nourriture à donner aux insectes, en prenant en compte leur poids et leur stade de vie. Nous veillons aussi à leur apporter une alimentation équilibrée, à base notamment de son de blé sec ou humidifié. On n’y pense pas toujours, mais l’apport d’eau est très important dans la croissance des insectes, dans leur capacité d’ingérer de la nourriture ! 

Dans les zones d’élevage, nous contrôlons également la température, la vitesse de l’air, l’humidité, la présence en CO2. Les larves d’insectes juvéniles, en particulier, ont besoin de conditions optimales pour se développer. Leur environnement préféré est sombre. 

Une autre donnée essentielle à connaître est la densité de la colonie. Trop élevée, elle peut être fatale pour les insectes, trop faible, elle occuperait trop d’espace. Tout comme nous, ils ont besoin de respirer ! Pour leur assurer de bonnes conditions de vie, nous les faisons donc grandir dans de grands bacs, à des densités optimales. Pour garantir des conditions stables, nous équipons nos zones de stockage de capteurs et collectons les données qu’ils nous envoient. Les jeunes larves ne grandissent pas dans les mêmes conditions que les plus âgées. Les capteurs nous permettent d’adapter les conditions d’élevage aux besoins de chaque groupe. Dans un environnement dense, les larves produisent beaucoup de calories ; la gestion climatique se fait non seulement au niveau des zones de stockage, mais elle doit surtout être précise pour n’importe quel bac afin d’assurer à chaque insecte les meilleures conditions de température et d’humidité, sans souffler trop fort. Tout ceci a été modélisé avec précision lors de la conception des systèmes de stockage et de refroidissement.

Des technologies de pointe pour un suivi précis

Équipés de technologies de pointe, nous affinons l’environnement des vers de farine à chaque étape du cycle de vie. Nous suivons au plus près leur prise de poids, et nous assurons de leur bonne santé grâce à des caméras installées sur les lignes de production, qui prennent tous les bacs en photo à chaque étape d’élevage. Nous analysons ces images avec des logiciels d’intelligence artificielle et les archivons ensuite dans notre immense banque de données. Ces outils nous sont essentiels pour assurer une traçabilité parfaite de notre production. Nous ne pourrions faire sans ! Ynfarm, à cadence nominale, c’est 5000 piles, soit 120 000 bacs d’insectes. C’est énorme. Nous avons un flux de transfert très important. Chaque bac est identifié, nous savons quelle quantité d’insectes et de nourriture y a été déposée et quand il faudra le nettoyer, ce qui change en fonction de leur âge, comme les flux ne sont pas réguliers, nous avons donc besoin de logiciels intralogistiques très développés pour suivre avec précision chaque étape de la production, de la naissance de la larve jusqu’au produit fini.